Édition internationale

De Montpellier à Montréal : bâtir un projet à deux, loin de chez soi

Quand ils quittent la France en pleine crise sanitaire, Elisa Groslier et Nicolas Iglesias ont une idée, beaucoup de détermination, et un projet de vie commun : créer leur propre entreprise. Trois ans plus tard, CIVISION emploie neuf personnes et reçoit un prix d’excellence au Gala de la Chambre de commerce France-Canada. Récit d’un parcours audacieux où tout a commencé par une intuition… et un billet d’avion pour Montréal.

Elisa Groslier et Nicolas IglesiasElisa Groslier et Nicolas Iglesias
Elisa Groslier et Nicolas Iglesias partenaires en affaire et dans la vie - Photo courtoisie
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 29 avril 2025, mis à jour le 30 avril 2025

 

Une ambition forgée dès l’adolescence

Dès l’adolescence, Elisa avait annoncé la couleur : « Un jour, je créerai mon agence, et je le ferai au Canada ». Pour beaucoup, cela serait resté une promesse vague. Pour elle, c’était un cap. Quelques années plus tard, elle rencontre Nicolas Iglesias dans une agence de développement économique à Montpellier. Rapidement, leurs projets de vie convergent. « On s’est rendu compte qu’on avait les mêmes envies, les mêmes valeurs, et des compétences complémentaires », résume Elisa. La COVID-19, qui les oblige à vivre à distance, accélère leur décision : partir ensemble, et tout recommencer ailleurs.

 

Le saut vers l’inconnu

C’est le Québec qui s’impose. Francophone, ouvert à l’innovation, avec un fort écosystème entrepreneurial, il coche toutes les cases. Mais encore fallait-il y entrer. « On voulait faire un PVT, mais avec la pandémie, c’était très compliqué, voire impossible », raconte Elisa. Plutôt que de renoncer, le couple fait un pari audacieux : reprendre des études. Elle choisit l’entrepreneuriat, lui l’analyse de données, tous deux à HEC Montréal. « On ne connaissait rien à l’entrepreneuriat ni à la data, alors on s’est formés. C’était aussi un moyen d’obtenir un permis d’études et un pied à terre », explique-t-elle. En parallèle, ils intègrent l’incubateur du HEC et fondent CIVISION quatre mois seulement après leur arrivée.

 

Une entreprise pensée à deux têtes

Leur binôme fonctionne naturellement. Nicolas Iglesias, de formation technique, dirige l’équipe d’ingénieurs, de développeurs et de data scientists. Elisa prend en charge la commercialisation, les partenariats et la stratégie. « Ce n’est pas forcément ce que nous faisions avant, mais on s’est adaptés. Ce qui compte, c’est la complémentarité », analyse-t-elle. Leur objectif : créer un outil d’intelligence artificielle qui permette aux villes de mieux comprendre leur territoire et d’anticiper l’impact de leurs décisions. Un pari réussi, qui séduit aujourd’hui une trentaine de municipalités.

 

CIVISION : l’intelligence territoriale made in Montréal

 

Une croissance accompagnée, mais pas linéaire

Si l’intégration au marché québécois s’est faite naturellement, c’est aussi grâce à un écosystème bienveillant. « Être accompagné change tout. On a vu des amis monter leur entreprise seuls au même moment, et la différence est flagrante. L’incubateur, les mentors, les réseaux : ça nous a fait gagner du temps et éviter beaucoup d’erreurs », confie Elisa. Au bout d’un an, le couple rejoint aussi la Chambre de commerce France-Canada. Une étape stratégique pour élargir leur réseau et amorcer leur réflexion sur l’internationalisation.

 

Des ponts vers la France

Leur cheminement les ramène désormais vers l’Hexagone. Un distributeur local — un ancien collègue du développement économique — les aide à sonder le marché français. « On a vu beaucoup de similitudes entre les problématiques des villes ici et là-bas. Mais avec 36 000 communes, le défi technique est d’une autre ampleur ! », sourit Elisa. Leur plateforme est en cours d’adaptation, avec 40 % de développement déjà réalisé. L’implantation n’est pas pour demain, mais le mouvement est enclenché.

 

Un parcours de vie autant qu’un projet d’entreprise

Au-delà de l’aspect technologique, CIVISION est avant tout une aventure humaine. Celle d’un couple qui a quitté ses repères pour construire, ensemble, une vision nouvelle de la ville et du territoire. « On se sent chez nous sans être vraiment chez nous. On avance, on apprend, et on construit un projet qui nous ressemble », résume Elisa Groslier. Leur histoire interroge : et si les nouvelles entreprises de demain étaient aussi des projets de vie partagés ?